Utilité des légendes
«… En grandissant, à différentes époques de notre vie, les légendes nous apprennent diverses choses. On s’en souvient jusqu’à sa mort. Chaque fois qu’on raconte de nouveau une histoire, on apprend quelque chose d’autre parce qu’on est plus mûre, on est prêt à entendre une nouvelle vérité. On apprend quelque chose de nouveau d’une légende chaque fois, tout comme, chaque fois, on apprend, quelque chose de nouveau d’une peinture. C’est, dès le début de leur existence, en leur racontant de ces légendes que nos jeunes Atikamekw vont avoir une idée, une vision globale de l’ordre des choses et ainsi favoriser le bon développement de leur personnalité et de leur propre rêve.»
(Rapport sur la visite des Aînés de Manawan des musées, Gilles Ottawa. 2004)
Autres légendes
(extrait du site Web du CNA – http://www.atikamekwsipi.com/cnaindex.html)
- L’enfant qui a vécu avec l’ours
- Tchikabesh
- Le corbeau, le renard et le lézard
- Le chien
- La marmotte Akokatic
- Tchikabesh et les géants
- Kimucuminao, le vent du nord
- Shawinisi et Kiwetinisi
L’enfant qui a vécu avec l’ours
Une femme avait appuyé son enfant contre un arbre. Pendant que celui-ci dormait, la mère en profita pour aller cueillir des bleuets. Ainsi, elle s’éloigna de son enfant.
Plus tard, l’enfant s’éveilla et se mit à pleurer. Mais sa mère ne l’entendait pas, elle continuait à ramasser des bleuets. Près de lui se trouvait un ours. L’animal entendit ses pleurs et s’approcha.
Ils laissent mon petit-fils dans un état pitoyable, pensa-t-il. L’ours l’emporta avec lui sans que personne s’en aperçoive.
Lorsque la mère eut terminé sa cueillette, elle voulut reprendre son enfant, mais il n’était plus là. Elle le chercha partout mais en vain. Triste de l’avoir perdu, elle rentra chez-elle accablée d’une grande tristesse.
L’ours promena l’enfant; et celui-ci le suivait partout. L’ours mangeait des bleuets, l’enfant aussi. Ils faisaient toujours les mêmes choses. L’enfant était bien et en bonne santé.
L’hiver s’annonçait et l’ours amena l’enfant avec lui dans la forêt pour lui trouver un gîte. Il l’installa sur un matelas pour qu’il n’ait pas froid; et alors lui dit: «Un jour de printemps, lorsque le soleil aura réchauffé la terre, ton père viendra et nous tuera. Si nous avons connaissance de son arrivée, toi, tu sortiras en courant.»
En effet au début du printemps, un homme arriva et l’enfant sortit de l’abri en courant. L’homme tua l’ours et reparti avec l’enfant qu’il avait reconnu.
L’enfant raconta à sa mère que sa grand-mère l’avait bien traité. Jamais il n’avait souffert de la faim.«J’ai mangé des bleuets durant tout l’hiver», dit-il. C’est ce que l’enfant pensait. Il comparait l’ours à sa grand-mère. En réalité, ce n’est que l’ours qui avait mangé. L’enfant a toujours dit que c’était avec sa grand-mère qu’il avait vécue pendant toute une année, mais en réalité c’est avec l’ours qu’il a vécu un an !
Tchikabesh
Il y a très longtemps, une famille d’Indiens fut attaquée par des hommes qu’on appelait «Mestabeoks». Tous ses membres furent tués, sauf une fillette qui parvint à s’échapper et un petit bébé laissé pour mort ! Après le départ des «Mestabeoks», la fillette revint au campement et entendit un bébé qui pleurait; puis le trouva dans un bosquet. L’enfant s’appelait Tchikabesh.
La fillette éleva l’enfant de son mieux, mais il pleurait très souvent. Un jour, elle se lassa de l’entendre et lui fabriqua un arc et des flèches. Elle ne savait vraiment plus quoi faire pour le consoler. Quand l’enfant fut un peu plus vieux, il demanda à sa soeur : «Où donc est notre père ?» «Nous n’avons plus de père, Tchikabesh. Il a été tué quand tu étais bébé», lui répondit-elle.
Alors Tchikabesh se mit à jouer avec l’arc et les flèches. Chaque soir il les déposait à côté de lui avant de dormir. Au fur et à mesure qu’il grandissait, l’arc et les flèches aussi grandissaient.
Bientôt Tchikabesh fut assez habile pour aller chasser tout seul. Un jour il vit un écureuil et tira une flèche; mais celle-ci resta accrochée à une branche. Il monta dans l’arbre mais sans réussir à la saisir. Il monta jusqu’à la cime et de là-haut il aperçut un terrain non boisé et une clairière.
Tchikabesh redescendit et se promena aux alentours. Il trouva des traces dans un sentier et curieux, il voulut savoir à qui elles appartenaient. Il retourna donc chez lui pour prendre des collets. Puis il dit à sa soeur : «J’ai vu des traces et j’ignore à qui elles appartiennent. Donne-moi une mèche de poils.» «Quelle sorte de poils veux-tu ?», lui demanda sa soeur. «Des poils, des poils, donne-moi des poils», répéta Tchikabesh. Elle arracha un de ses cheveux et le lui donna.
Tchikabesh repartit et tendit un collet là où il avait vu les traces. Ensuite, il retourna chez lui et se coucha. Le lendemain, le jour ne se montra pas. «Comment se fait-il que le jour ne vienne pas ?», pensa Tchikabesh. Il décida donc de se rendre à l’arbre où il avait grimpé la veille et remonta jusqu’à la cime. Il aperçut de la clarté au loin et en regardant bien, il vit que la lune s’était prise dans son collet.
Ne sachant pas quoi faire, il fit appel à tous les rongeurs de la forêt pour l’aider à libérer la lune. Aucun des animaux ne put s’approcher sans risque de se brûler. Cependant, la souris réussit à couper le lien qui retenait la lune et depuis ce temps elle est de couleur rousse sur le dos, car la lune lui a brûlé les poils.
Tchikabesh retourna chez lui et en chemin, s’abreuva à un ruisseau. En regardant son visage dans l’eau, il vit aussi le reflet de la lune. A ce moment, l’astre prit l’image de Tchikabesh et à partir de ce jour, on put contempler le visage de Tchikabesh sur la lune.
Le corbeau, le renard et le lézard
Un matin, le corbeau partit faire une promenade en forêt. Il rencontra le carcajou qui, devant son air triste lui demanda : «Qu’avez-vous, corbeau, vous êtes seul ?» «Oui, je suis seul. Je n’ai pas de famille», répondit le corbeau. C’est ainsi qu’ils décidèrent de poursuivre leur route ensemble. En chemin, ils tuèrent un orignal et ils s’installèrent dans une clairière pour le manger.
Quelques jours plus tard, le carcajou surprit le corbeau qui pleurait en cachette. «Qu’avez-vous à pleurer, à quoi pensez-vous ?», s’inquiéta-t-il. «À mes enfants, ils doivent mourir de faim», dit le corbeau. «Mais vous m’aviez dit que vous étiez seul au monde», s’étonna le carcajou. «Retournez vite chez vous, voir vos enfants.» «Je pars aujourd’hui même», dit le corbeau. «Combien de temps prendrez-vous pour le voyage ?», demanda le carcajou. «Cela me prendra cinq jours», répondit le corbeau.
Par hasard, le renard qui passait par là les entendit parler et vint les trouver. «Je vois que vous avez un long voyage à faire. Avez-vous du feu pour vous réchauffer ?», s’informa le renard.«Non», fit le corbeau. Alors le renard sauta cinq fois par dessus le corbeau. «Vous pouvez partir tranquille, je viens de vous donner du feu pour cinq jours», ajouta le renard.
Le corbeau partit le lendemain matin et fatigué après une journée de marche décida de s’arrêter. Il se demanda si le renard lui avait vraiment donné du feu. Alors il se mit à ramasser du bois pour faire un essai. Aussitôt le bois ramassé et entassé, il sauta par-dessus comme le renard lui avait expliqué. Le tas de bois s’enflamma immédiatement. Quand il fut bien reposé, il reprit sa route. Tout à coup, le corbeau se demanda si le renard lui avait vraiment donné du feu pour cinq jours. Il se remit à ramasser du bois et sauta par-dessus le tas. Le bois s’enflamma comme la première fois. Puis il repartit. Par trois fois encore, il douta du renard et il fit trois autres feux pour être certain que le renard ne lui avait pas menti. Enfin assuré, il continua sa route.
Le deuxième soir, le corbeau fit un nouvel arrêt pour se reposer. Il ramassa des branchages pour faire un bon feu. Il sauta par-dessus le tas mais un tout petit feu s’alluma. Il sauta encore par-dessus et le feu s’éteignit. Incapable de produire la moindre étincelle, il rebroussa chemin. Il arriva chez ses amis presque gelé et à bout de forces. Ceux-ci comprirent qu’il avait gaspillé tout le feu.
Le lendemain, le corbeau se prépara pour un autre départ et le renard sauta cinq fois par-dessus lui. Après avoir remercié le renard pour sa générosité, le corbeau quitta ses amis. Au bout de cinq jours de marche dans la forêt, il arriva chez lui. «Tes enfants vont mourir de faim», lui dit sa femme. «Nous n’avons plus rien à manger depuis longtemps. Le lézard ne nous a donné aucun morceau de castor.» «Bien, je vais aller lui prendre quelques morceaux et nourrir les enfants», dit le corbeau. Plus tard, le corbeau revint avec la nourriture promise.
Un des enfants du lézard avait tout vu. Il raconta la scène à son père et celui-ci se mit en colère. Il envoya son fils dire au corbeau de venir chercher d’autres morceaux de castor; il voulait le piéger. De son côté, le corbeau s’était aussi aperçu de la présence du petit lézard et de son complot avec le père. Mais quand il revint avec la nourriture, il fit comme s’il ne savait rien.
Donc le petit lézard se présenta chez le corbeau et il répéta son message. Ensuite, ils se dirigèrent tous les deux vers la maison du père. Quand ils arrivèrent sur les lieux, le corbeau saisit le petit et lui passa la tête dans la porte. Le lézard qui attendait derrière avec un bâton frappa avec fureur.
Le lézard sortit de sa maison, certain d’avoir tué le corbeau. À ce moment-là, il s’aperçut de son erreur. Il se coucha par terre et pleura des journées entières.
Le chien
C’était l’hiver. Deux hommes partirent pour la chasse à l’orignal. Ils se rendirent jusqu’à leur camp de chasse et là, ils coupèrent du bois pour se chauffer. Soudain ils entendirent un cri, un hurlement qui venait des montagnes. «Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qu’on entend ?», dit un des deux hommes. Il paraissait songeur et très effrayé. «Ce n’est pas le train. Il n’y a pas de chemin de fer par ici. Il n’y a absolument rien de ce côté. Il n’y a que des montagnes et c’est de là que provient le cri», répondit son compagnon. Les deux hommes avaient peur et ils ne purent fermer l’oeil de la nuit. Enfin, le jour se leva, faisant disparaître toutes craintes. Très tôt, ils se préparèrent et partir chasser. Pour leurs déplacements, ils utilisaient des raquettes. Cependant, la distance qui les séparait du village était plus rapidement parcourue avec un traîneau tiré par des chiens.
Ce matin-là, ils se dirigèrent vers la montagne. Bientôt, ils virent des pistes fraîches d’orignaux. Au fur et à mesure qu’ils progressaient sur leur chemin, ils constatèrent que les pistes étaient de plus en plus fraîches. Les orignaux n’étaient plus très loin; ils entendirent des panaches s’entrechoquer.
Encore quelques pas et ils virent trois orignaux, tous des mâles. Ils en abattirent deux. Une fois dépecés, ils les enfouirent sous la neige. Ensuite, ils retournèrent au camp. Ils coupaient du bois quand ils entendirent à nouveau ce cri effrayant. Les chiens devaient l’entendre aussi, mais ils l’ignoraient tout simplement.
Les deux hommes songeaient à rentrer au village. Cependant ils restèrent au camp encore une nuit. Le lendemain, ils retournèrent dépecer les orignaux. Ils revinrent à la tombée du jour et, une fois de plus, le cri se fit entendre. Ils chargèrent donc les traîneaux et ils quittèrent les lieux rapidement en direction du village. C’est alors qu’un des chiens tomba sur la neige. Il était mort ! Son maître l’enterra et comme il s’était mis à neiger, ils retardèrent leur départ d’une autre journée.
Le lendemain matin, ils s’apprêtaient à retourner au village quand tout à coup ils remarquèrent des traces de chien dans la neige. Les traces menaient au camp, puis continuaient jusqu’à l’endroit où les chiens avaient l’habitude de manger.
Le chien « mort » la veille se tenait debout, bien vivant. Son maître dit à l’autre homme. «On va voir ce qu’il va faire, si c’est vraiment mon chien. S’il veut m’attaquer, tire-lui dessus». Il appela l’animal et le chien répondit à son appel…. Les questions qui vinrent alors à l’esprit des deux hommes restèrent à jamais sans réponse.
Le brochet
Un père avait une fille. Un jour, elle rencontra un jeune homme, qui bientôt la demanda en mariage. Cependant, le père aimait bien lancer des défis aux prétendants de sa fille. Il en ressortait toujours vainqueur et c’est ainsi qu’il les écartait un par un.
Le jeune homme ne l’ignorait pas. C’est pour cette raison qu’il fut le premier à défier le père de sa fiancée.«Y a-t-il un gros rapide près d’ici où nous pourrions sauter d’un rivage à l’autre ?» Le père en connaissait justement un et il accepta la proposition.
Ils partirent donc ensemble et enfin arrivés sur les lieux, le père déclara : «Voici l’endroit idéal. C’est ici que nous allons faire notre saut d’une rive à l’autre». Et il pointa le jeune homme, lui demandant de s’exécuter le premier. Celui-ci prit un peu de recul et s’élança pour le saut périlleux. Déjà le père poussait des cris de triomphe et de joie. Cependant, le jeune homme atterrit sur la terre ferme.
Voyant cela, le père se prépara à l’imiter. Il prit une course, sauta…. et, au beau milieu du rapide, tomba dans l’eau. Cette fois, il était bel et bien battu.
Le jeune homme dévala la pente du rapide à toute vitesse et chercha le corps du père. Il l’aperçut enfin qui flottait sur la surface de l’eau. Il s’empressa de le repêcher.
Le père était mourant. Quand il eut prit conscience de la présence du jeune homme, il lui dit : «Dans quelques instants, je serai transformé en brochet. Mais tu dois trouver un ruban pour me tresser les cheveux». Ce que fit le jeune homme. Ensuite, sous ses yeux étonnés, la transformation s’accomplit; le père était devenu un brochet.
Le brochet plongea profondément sous l’eau. Peu de temps après, il mordit à l’hameçon d’un pêcheur….
La marmotte Akokatic
La marmotte hiberne, tout comme l’ours. Quand l’hiver arriva, elle se prépara pour son long sommeil. C’est alors qu’elle mit au monde des petites marmottes. Elle les garda avec elle durant les rigoureux mois d’hiver.
Graduellement, l’hiver laissa la place au printemps. La marmotte dit à ses enfants: «Je vais aller voir si l’été est proche; ne bougez pas d’ici». Elle sortit et c’était déjà le printemps et les journées plus chaudes étaient revenues.
La marmotte resta quelque temps à l’extérieur puis retourna à l’intérieur de sa tanière.«Il me semble que l’été tarde à venir», dit-elle à ses enfants et retourna se coucher.
Un peu plus tard, la marmotte dit de nouveau: «Je vais aller voir si l’été s’approche». Elle sortit de sa tanière et dehors c’était l’été ! Tout avait reverdi; les fleurs et les feuilles avaient poussées et elle se mit à manger des feuilles puis elle rentra après s’être rassasiée. Elle cacha délibérément le retour de l’été à ses enfants. Elle avait peur que ceux-ci l’abandonnent. Les petits étaient presque devenus des adultes maintenant.
La marmotte dormait la bouche ouverte et les enfants virent avec surprise que des morceaux de feuilles étaient coincés entre ses dents. «Regardez, notre mère a des morceaux de feuilles entre les dents, elle doit sûrement nous cacher que l’été est arrivé».
Les petites marmottes se dirigèrent alors vers la sortie, sans que maman s’en aperçoive. Dehors, l’été était là et toute la végétation avait repoussée. Elles se mirent alors à courir partout et étaient très heureuses d’être enfin libres. Ainsi, elles abandonnèrent leur mère qui continua à dormir.
Quand elle se réveilla, elle fut très surprise de constater que ses enfants avaient quittés la tanière et se mit à les chercher partout, mais en vain. Ceux-ci l’avaient abandonnée. Elle continua à les chercher en pleurant car elle était très triste de les avoir perdus. Puis elle se mit à chanter en pleurant.
Tchikabesh et les géants
Il y avait autrefois un homme que l’on appelait Tchikabesh. Il vivait dans la forêt avec sa soeur. En ces temps-là, la forêt était également habitée par des grands hommes, des géants : les «Mestabeoks».
L’été avait cédé sa place à l’hiver et les «Mestabeoks» partirent chasser le castor. Tchikabesh se mit en tête de les retrouver et il suivit leurs traces. Quand ils le virent arriver, les «Mestabeoks» l’invitèrent à se joindre à eux. En fait, ce n’était qu’un piège pour le capturer.
Les «Mestabeoks» avaient enfermé un castor dans sa hutte. Ils demandèrent à Tchikabesh de le prendre et il y parvint; mais deux géants voulurent se saisir de lui. Cependant, il fut plus rapide qu’eux et s’esquiva en emportant le castor sur son dos. Les deux «Mestaboeks» se lancèrent à sa poursuite. Tchikabesh eu tôt fait de les éloigner en leur lançant quelques flèches.
Tchikabesh continua son chemin jusque chez lui. En l’apercevant, sa soeur craignit qu’il ait fait un mauvais coup, mais elle ne lui en parla pas. Le lendemain matin, une centaine de «Mestabeoks» avançaient tranquillement vers la tente. La soeur de Tchikabesh était effrayée et dit : «Nous allons être tués et c’est de ta faute. Tu as volé le castor des géants».
Tchikabesh, lui, n’avait pas peur. Il prit sa pierre à aiguiser les couteaux et la tira en l’air. La noirceur tomba aussitôt, car la pierre cachait le soleil. Au même moment, la tente fut transformée en pierre.
Les tentatives des «Mestabeoks» pour s’emparer des malheureux furent vaines et ils durent abandonner. Ainsi Tchikabesh et sa soeur eurent la vie sauve.
Kimucuminao, le vent du nord
Un homme était très en colère contre Kimucuminao, le vent du nord, car celui-ci avait gelé mortellement deux de ses enfants. L’homme jura bien que cela ne se reproduirait plus; ce à quoi Kimucuminao répliqua : «Tu vas me revoir. Ça tu peux en être certain !»
Pendant l’été, l’homme amassa du gras de toutes sortes d’animaux. Il disposa des branches fendues et de la mousse sur le toit ainsi qu’une couche d’écorce de bouleau sur les murs qu’il avait déjà solidifiés avec des éclisses de bois. Il voulait que la tente soit résistante et chaude.
Lorsque la première neige tomba, le vent du nord prévint l’homme de son arrivée prochaine. Ce dernier répondit : «Tu peux venir quand tu voudras !» Il savait que l’hiver viendrait avant Noël et que Kimucuminao frapperait durant la nuit la plus froide. Cette nuit-là, l’homme fit coucher sa femme et ses enfants et il les enveloppa dans toutes les couvertures qu’il put trouver.
Soudain, l’homme entendit la tente craquer, ce qui signifiait que le vent du nord n’était pas loin. La température à l’extérieur s’abaissa quelque peu. Par la suite, le vent souffla si fort que bientôt la glace grimpa le long des murs de la tente.
L’homme prépara, les graisses qu’il avait conservées puis il chanta pour faire venir le vent du sud. Il lança un peu de graisse dans le feu, mais elle ne fit que l’attiser sans bien réchauffer les lieux. Il jeta donc de la graisse de canard en quantité suffisante pour que la tente dégèle complètement. Le vent du nord diminua son ardeur. La neige et la glace commencèrent à fondre. L’homme fit brûler toutes les graisses qu’il avait accumulées. Les forces de Kimucuminao diminuèrent encore jusqu’à l’abandon et il laissa l’homme tranquille.
Shawinisi et Kiwetinisi
Shawinisi et Kiwetinisi étaient toujours ensemble et pourtant, ils ne s’entendaient pas très bien. Shawinisi portait tout le temps un sac plein d’oiseaux et Kiwetinisi voulait le lui voler. Alors un jour, Shawinisi donna à Kiwetinisi des perdrix, une pie et des hiboux, tous des oiseaux qui hivernent dans la région. Celui-ci n’était pas encore content et Shawinisi lui dit : « Tu devrais être content que je t’en donne autant ! » Ce à quoi Kiwetinisi répondit : «Si tu ne m’en donnes pas plus, ce sera toujours l’hiver !» Mais Shawinisi n’écouta rien…..
Soudain, on entendit crier les femmes du village, car elles avaient vu un caribou traverser la rivière. Tous les hommes coururent aux canots et Shawinisi se joignit à eux, oubliant son sac derrière lui.
Kiwetisini ne perdit pas sa chance. Dès qu’il vit Shawinisi monter dans un canot, il saisit le sac et l’éventra avec son couteau. Tous les oiseaux d’été étaient ainsi libérés. Kiwetinisi les dirigea vers les quatre points cardinaux : le nord, le sud, l’est et l’ouest.
Dans ces temps-là, les carpes n’avaient pas de bouche. Elle s’en fit une en se brûlant avec une éclisse de bois allumée. Ensuite, elle avertit Shawinisi du geste de son compagnon. Shiwinisi tenta de revenir rapidement, mais le rat musqué avait mâché sa pagaie. Elle se brisa et il ne put revenir à temps. C’est comme ça que l’été put recommencer !